André Comte-Sponville propose l'intégration de l'athéisme et de la spiritualité
André Comte-Sponville est un philosophe actuel, assez médiatique, qui s'est illustré par un certain nombres de livres à succés : "Petit Traité des grandes vertus", "Traité du désespoir et de la béatitude", "Le capitalisme est-il moral ?",etc...
Ici, dans un article sous forme d'interview du journal "Nouvelles Clés" intitulé :« L'esprit de l'athéisme, introduction à une spiritualité sans Dieu », il développe un certain nombre d'idées qui sont des manifestations de l'esprit intégratif.
Il y a d'abord une intégration audacieuse entre philosophie et spiritualité, d'ordinaire séparés par des barrières étanches depuis le 18e siècle :
« La philosophie est une pensée ; cela se fait avec des mots et des raisonnements.
La sagesse serait plutôt un certain type de silence. La philosophie est un travail; la sagesse, un repos.
Mais la philosophie, ses concepts et ses arguments tendent vers la sagesse et la préparent, afin de faire advenir ce silence en soi. Et vous savez comme moi que se taire, y compris intérieurement, est une des choses les plus difficiles qui soient.
Philosopher c'est parler pour se taire ; le contraire donc du bavardage qui consiste à parler pour parler. C'est pourquoi la philosophie est nécessaire, et c'est pourquoi elle ne suffit pas. Comment en multipliant les mots, pourrait-on faire un silence. Comment à force de travail, pourrait-on obtenir un repos ?
Il faut donc autre chose, non à la place de la philosophie, mais en elle ou à côté : c'est ce que j'appelle la spiritualité ou la méditation".
Ensuite, il ya une intégration de nouveau osée, entre l'athéisme (l'esprit dominant de l'époque en Occident) et la spiritualité, mais une spiritualité sans Dieu, au sens de sans religion, sans dogme, sans croyance ni acte de foi ;
on pourrait dire aussi une spiritualité laïque qui fait l'intégration entre l'athéisme et ce besoin d'expérimenter une réalité transcendante qui dépasse l'individu, sans référence au Dieu de la religion :
« Nouvelles Clés : pourquoi avoir choisi cette formule « une spiritualité sans dieu » ?
André Comte-Sponville : C'est vrai qu'en Occident cette expression semble paradoxale. On a été habitué, pendant vingt siècles d'Occident chrétien, à ce que la seule spiritualité socialement disponible soit une religion, au sens occidental du terme, c'est à dire une croyance à un dieu, un théisme. On a donc fini par croire que les mots "religion" et "spiritualité" étaient synonymes.
Il n'en est rien. Il suffit pour s'en rendre compte de prendre un peu de recul, aussi bien dans le temps du côté des sagesses antiques, que dans l'espace, du côté des sagesses orientales, spécialement boudhistes ou taoïstes. On découvre vite qu'il existe d'immenses spiritualités sans croyance à un Dieu ou une transcendance. C'est ce que j'appelle des spiritualités de l'immanence.
Mon sous titre n'aurait pas du tout choqué un épicurien ou un stoïcien de l'Antiquité. Il ne choquerait pas un boudhiste d'aujourd'hui. Il n'est paradoxal que dans un univers monothéiste, et judéo-chrétien en particulier. Comme je suis athée, j'ai dû m'appuyer sur des traditions différentes, à savoir les sagesses grecques, d'une part, et les spiritualités orientales, d'autre part.
Enfin, voici une belle philosophie intégrative :
« Plus tard, sortant de l'immoralisme soixante-huitard, lorsque j'ai eu des enfants, j'ai vite compris que non seulement il n'était pas interdit d'interdire, mais que de plus les valeurs que je tenais à leur transmettre étaient clairement des valeurs judéo-chrétiennes.
J'ai donc essayé de bâtir ma maison sur différents rocs, disons sur quatre pierres d'angles :
les sagesses grecques anciennes, surtout l'épicurisme et le stoïcisme, les spiritualités orientales, surtout boudhistes et taoïstes ; la morale judéo-chrétienne ; enfin le naturalisme classique, spécialement chez Spinoza et les matérialistes français du 18e siècle (Diderot, La Mettrie, etc), mais qui se prolonge, en fait, jusqu'à Marx ou Freud".