Une nouvelle spiritualité intégrative : “l'Eveil évolutif”
Dialogue entre Ken Wilber et Andrew Cohen sur "l'éveil évolutif"
Andrew Cohen et Ken Wilber, deux théoriciens importants de la nouvelle spiritualité, dialoguent dans le journal « Eveil et Evolution" pour redéfinir une nouvelle spiritualité dans le contexte d' un monde en évolution, c'est à dire une nouvelle spiritualité intégrale capable d'intégrer les fondements de la spiritualité traditionnelle avec la théorie moderne de l'évolution et de mieux s'incarner pour s'engager dans le monde réel.
Andrew Cohen : Le tableau ne sera complet ou intégral que si l'éveil spirituel et la compréhension de l'évolution s'équilibrent l'un l'autre.
Ken Wilber : Oui, je suis entièrement d'accord. Et c'est trop souvent soit l'un soit l'autre. Ceux qui ont une compréhension du fondement, parce qu'ils l'ont souvent atteinte par un chemin traditionnel sans compréhension de la manifestation évolutive, ont appris à exprimer cette réalisation spirituelle dans des formes plutôt statiques – unité avec la nature telle qu'elle est ou unité avec l'instant présent – et cela est fort bien. Mais ce n'est pas une version à jour de ce que pourrait être le “satori”.
Ainsi , ils ont tendance à ne pas percevoir les stades évolutifs et ils ne comprennent pas le déploiement évolutif. Et si au contraire, des personnes perçoivent ce déploiement évolutif, elles n'ont généralement pas l'expérience du vide primordial, du non-né ou du fondement immuable. Et à cause de cela, elles associent leur prise de conscience à un stade d'évolution. “Je dois atteindre ce stade, ensuite je peux avoir la révélation ultime”. Mais ce n'est pas ça du tout, car cet état toujours présent est toujours présent et vous pouvez avoir cette prise de conscience virtuellement à tout moment.. Mais pour la stabiliser et l'ancrer en vous, vous devez effectivement grandir et vous développer. Donc ils comprennent seulement le côté évolutif de la forme, alors que d'autres ont tendance à comprendre le vide, mais il est très rare de comprendre le vide en même temps que la forme évolutive.
Andrew Cohen : Et ça, c'est l'Eveil évolutif.
Ken Wilber : Oui, c'est un panthéisme évolutif, non-dualiste, quelque soit le nom qu'on lui donne. Ce que nous disons aussi, c'est que l'expérience ou la prise de conscience profonde du fondement ou du vide, ou du non-né, est nécessaire. C'est fondateur.
Andrew Cohen : C'est fondateur, parce que sans ce fondement, on est, en quelque sorte, piégé dans une perspective seulement évolutionniste.
Ken Wilber : Ce n'est plus que du “samsara” à grande vitesse ! C'est tout ce que devient l'évolution.
Andrew Cohen : Oui, c'est l'évolution sans l'éveil.
(Eveil et Evolution n°3 p. 19)
Cet article a été écrit dans ce site, aux alentours de l'année 2008 ; depuis, beaucoup d'eau a coulé - en particulier de l'eau sale du côté d'Andrew Cohen.
Celui-ci a été dénoncé par certains de ses disciples comme une personne beaucoup trop autoritaire voire absolutiste, et de plus il s'est illustré par des abus sexuels et financiers répétitifs - les deux mamelles addictives des soit-disant "maîtres" qui dérapent si souvent sur ces deux sujets.
Andrew Cohen s'est prudemment éclipsé avec ses "casseroles" en 2013. Aux dernières nouvelles, il reviendrait prudemment depuis 2016 auprès d'un cercle réduit de disciples qui ont tenu le coup...
Mais cette histoire éclabousse d'une certaine manière Ken Wilber qui s'est beaucoup impliqué avec Andrew Cohen et pendant longtemps - surtout dans les différentes publications de ce dernier comme "EnlightenNext"-, en tant qu'enseignant voire guru de la nouvelle spiritualité intégrale et évolutive.
Cela pose clairement le problème du "gap" entre un système de pensée bien huilé et très séduisant du maître spirituel, et sa vie dans sa dimension éthique et personnelle. Parler des hautes cîmes de la conscience évolutive, quand en même temps on s'adonne au niveau personnel à toutes les médiocres transgressions addictives d'une époque décadente, alors ce n'est plus crédible ;
alors, Ken Wilber en a pris aussi un nouveau coup pour sa réputation, car il est difficile de croire qu'il ne savait pas, d'autant plus que ce n'est pas la première fois qu'il se compromet avec des maîtres spirituels "frelatés".
Cela a commencé avec Adi Da dans les années 80, dont les provocations d'ordre sexuel et les abus financiers, l'ont obligé à fuir aux îles Fidji pour terminer une vie écornée par les scandales répétitifs, dont il n'a jamais voulu s'excuser au nom de la "folle sagesse". Mais Ken Wilber disait en 1984 que c'était le premier avatar en occident du Christ, Bouddha, Krishna...
Enfin, il y a son admiration pour le maître zen Genpo Merzel,
et son engagement auprès de lui pour répandre la méthode "Big Mind"conduisant soi-disant directement au plus haut degré de l'illumination spirituelle.
Encore une fois Merzel a été obligé d'arrêter son activité de grand maître zen pour des plaintes répétées de disciples abusés sexuellement ; et la méthode "Big Mind" a dégonflé simultanément d'intérêt, récoltant même une réputation d'arnaque financière.
Ken Wilber s'était encore une fois trompé avec ses fréquentations spirituelles douteuses...
Ambivalence de Ken Wilber qui nous oblige à un regard critique sur lui-même et sur son oeuvre. Et en même temps réflexion critique nécessaire sur tous les grands discours spirituels.
Quels qu'ils soient, ceux-ci doivent être éprouvés et validés au niveau de la vie de leurs auteurs et des conséquences qu'ils provoquent auprès des disciples. L'être humain est faillible certes et peut se tromper, mais à partir d'une certaine limite, il faut réveiller son attention critique.
C'est cela que j'applique dorénavant avec Ken Wilber : "L'éveil évolutif, certes, mais avec toute sa conscience critique".
Cela pose d'ailleurs la question : pourquoi tant de maîtres spirituels dérapent si facilement. C'est une question que j'aborde souvent dans mon blog :
"Osho et Ken Wilber : "grandeur et décadence".
Chogyam Trungpa et Allen Ginsberg (lire les commentaires)