Charlotte Joko Beck intégre le zen à la vie quotidienne

Charlotte Joko Beck est une américaine qui enseigne le Zen au centre Zen de San Diego. Dans ses livres (“Soyez Zen” et “Vivre Zen” aux éditions Presse pocket), dans un langage simple et accessible, elle montre comment intégrer la pratique spirituelle (essentiellement la méditation zen) à la vie quotidienne, afin de mieux accepter et assumer cette vie. C'est une pratique spirituelle très simple aux multiples conséquences psychologiques et psychothérapeutiques, qui prend place avec bonheur dans le courant de cette nouvelle spiritualité laïque avec Eckhart Tolle, Jon Kabat-Zinn, la pleine conscience.

Maintenant passons à l'illustration de la théorie, en l'illustrant par un cas concret. Supposons que vous travaillez dans une usine aéronautique. Un beau jour vous apprenez que les contrats passés par le gouvernement vont arriver à expiration et qu'il y a de fortes chances qu'ils ne soient pas reconduits. Réaction : "Ah, ça y est ! Je vais perdre mon boulot et je n'aurai plus de quoi faire vivre ma famille ! Quelle tuile ! " vous dites-vous. Et puis vous n'arrêtez pas de ressasser cette idée-là et de retourner le problème dans tous les sens. Et plus vous y penser, et plus vous sentez l'angoisse monter en vous.
Comprenez-moi bien : je ne dis pas qu'il ne faut pas s'organiser et faire des projets - on est bien obligé d'en faire. Ce que je veux vous faire remarquer, c'est que l'angoisse n'arrange rien, au contraire. Quand on ne sait pas gérer ses pensées et qu'on les retourne dans tous les sens, elles finissent par produire des émotions qui nous déstabilisent un peu plus. Si cet état de déstabilisation émotionnelle se prolonge, on finit par tomber malade ou sombrer dans la dépression, faute de savoir assumer ce qui nous travaille mentalement. autrement dit, quand le mental ne sait pas regarder les choses en face, c'est le corps qui s'en charge et on attrape une bonne grippe ou des boutons partout, on fait une allergie carabinée ou un ulcère - à chacun son style (..) Plus on se complait dans ses préoccupations et plus on se crée d'ennuis. A l'inverse, à force de pratiquer zazen, on a moins tendance à se créer des noeuds dans la tête. La pratique zazen prend en compte l'ensemble de nos difficultés, qu'elles soient extérieures à nous ou qu'elles nous touchent directement dans notre chair, comme la maladie. La technique est la même dans tous les cas : identifier les pensées qui suscitent en nous ces problèmes et les expérimenter telles qu'elles nous affectent concrétement, physiquement, dans la posture du zazen (...)
Assumer le réel tel qu'il est, voilà le secret de la vie. Si, au lieu d'expérimenter directement le réel, on s'investit dans les pensées - en s'identifiant à elles - on crée un je (comme disait Krishnamurti) et c'est là que les ennuis commencent. Voilà pourquoi on apprend à reconnaître et à identifier ses pensées, afin de prendre ses distances par rapport à elles, de se désinvestir. En faisant zazen, on apprend à démonter le mécanisme d'élaboration et de solidification des pensées.
Soyez zen " Ce qu'est la pratique

Assumer la vie de plus en en plus, faire reculer notre seuil de tolérance, rentrer dans le réel, tel est le but de cette spiritualité simple, de la quotidienneté

« Pourquoi ai-je donc raconté toutes ces petites anecdotes domestiques ? Pour vous montrer que la pratique ne nous empêche pas de garder nos petites manies. En réalité, peu importe la cuvette à vaisselle et, ni ma fille ni moi n'attachons d'importance au choix de tel ou tel film. Et pourtant, cela ne nous empêche pas, à chaque fois, de discuter à perte de vue pour des vétilles, des petits détails sans importance. Parce que toutes ces palabres, ces discussions, ces empoignades affectives sont le sel de la vie : c'est une forme d'échange qui met un peu de piquant dans la monotie du quotidien. C'est un vécu brut, et c'est justement ce qui fait son charme : il est parfait tel quel, sans rien y changer. Le plus extraordinaire avec la vie c'est, de pouvoir la vivre telle qu'elle se présente à nous(...) Mûrir en matière de pratique spirituelle, c'est savoir assumer sa vie, telle qu'elle se présente à vous. Cela ne signifie pas que vous allez perdre vos petites manies ou que vous cesserez d'avoir la moindre préférence personnelle – ne vous en faites pas, ce ne sera pas le cas ! Mais de toute façon, l'essentiel est ailleurs, puisqu'il s'agit d'assumer(...) Le but même de la pratique spirituelle est de faire reculer ce que j'appellerai notre seuil de tolérance, de façon à pouvoir assumer la vie de mieux en mieux. Au départ on a souvent un seuil de tolérance très faible : il n'y a pas tellement de chose qu'on soit prêt à assumer. Et puis, au fur et à mesure que l'on progresse spirituellement, ce seuil de tolérence recule de plus en plus – on est capable d'assumer de plus en plus de choses-, sans pourtant disparaître complétement. Tant que nous vivrons, il y aura toujours un point-limite à partir duquel nous décrocherons de la réalité, faute de pouvoir faire face, assumer”.
Charlotte Joko Beck "Soyez Zen" Ne vous mettez pas en colère ! éditions Presse Pocket