Edmond Marc, théoricien de la psychothérapie intégrative
Edmond Marc, professeur de psychologie à l'Université de Paris X, psychologue clinicien, est un théoricien et un praticien important de la psychothérapie intégrative ; dans cet article il insiste sur quelques idées-clés :
Les psychothérapies : unité, diversité, complexité
Précisons d’emblée que la démarche intégrative ne se veut pas une école de plus mais entend promouvoir plutôt une nouvelle attitude épistémologique qui peut réunir des psychothérapeutes appartenant à différents courants. Contre les formes spontanées de fermeture et de repli identitaire, elle entend promouvoir une posture d’ouverture, un accent mis sur le dialogue et « l’intérité » (sur les relations « entre »…plutôt que sur les identités), une logique de l’inclusion (« et »… « et ») opposée à une logique du clivage et de l’exclusion (« ou »… « ou »).
Cette attitude s’est beaucoup développée aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années ; elle inspire un courant de plus en plus important dans le champ de la psychothérapie (il impliquerait plus du tiers des psychothérapeutes). On peut penser que cela tient à certaines caractéristiques de la culture américaine : empirisme et pragmatisme, ouverture d’esprit, faible attrait pour les grandes constructions théoriques, recherche de la nouveauté…D’autre part, ce mouvement est certainement lié à un déclin relatif de la psychanalyse et à l’essor d’autres démarches, notamment les thérapies comportementales et cognitives.
Le courant intégratif tend aussi à toucher aujourd’hui la plupart des pays européens. Il est significatif que le Congrès mondial de psychothérapie réuni à Vienne en 1996 ait placé la réflexion sur l'orientation intégrative au centre de ses travaux.
L'orientation intégrative amène à sortir de la « pensée unique » et non à viser une synthèse théorico-clinique unifiée qui estomperait les différences et affadirait les spécificités. Elle s'inscrit donc dans une épistémologie de la « multiréférentialité » et de la complexité, qu'Edgar Morin a contribué à élaborer en France et qui a été développé dans le champ de la psychothérapie notamment par Max Pagès. (...)
En effet chaque démarche particulière, quelle que soit sa visée totalitaire, n'éclaire qu'un aspect de la réalité : les psychanalyses mettent l'accent sur les processus inconscients, sur l'histoire du sujet et privilégient le niveau du langage et des représentations; les thérapies humanistes se centrent plutôt sur la relation et se focalisent sur « l'ici et maintenant » et la communication émotionnelle; les thérapies comportementales et cognitives prennent en compte d'abord les processus conscients et s'intéressent surtout au niveau des conduites, etc. Mais la personne est constituée de tous ces aspects profondémment intriqués : elle englobe à la fois conscient et inconscient, représentation et émotion, corps et esprit, pensée et action, passé, présent et avenir... Tout processus de changement profond implique nécessairement l'ensemble de ces dimensions, même si, dans la pratique, on est amené à privilégier tel ou tel angle d'approche.
Autrement dit si les démarches sont multiples, le patient est un (dans le sens où il intègre l'ensemble des niveaux et des dimensions que chaque démarche met en lumière de manière spécifique et focalisée comme le fait le faisceau d'un projecteur sur un objet pluridimensionnel).
Article dans la Revue de Psychologie de la Motivation
L’art d’aider (II) juin 2003 N° 35