Jean Staune tente d'intégrer du Sens à la science

Le grand problème de la science actuellement, et qui devient de plus en plus criant, c'est sa perte de sens.
La référence absolue à la matière et aux données du monde sensible, les lois de la causalité venant d'une raison étroite et focalisée sur la matérialité, les lourds protocoles d'expérimentation et de validation entrainant la frilosité des hypothéses, le dogmatisme des pouvoirs en place, tout cela entraîne inexorablement, ce qu'on appelle le "réductionisme", c'est à dire une vision réduite de la vie, de la réalité et du monde, qui pourrait devenir désespérante et même dangereuse par perte de sens.
Pourtant les coups portés à cette vision scientifique classique, issue du 16e siècle, ne manquent pas, et les plus forts viennent même de certains scientifiques qui ne peuvent plus rentrer dans ces dogmes simplistes. Les premiers coups ont été portés, il y a longtemps déjà, par la physique quantique mettant en évidence l'immatérialité de la matière avec des lois autres que celles de la causalité, en particulier les principes d'incertitude et d'interdépendance.

Jean Staune, un penseur très intégratif (diplômé en mathématiques, informatique, paléontologie, sciences politiques et management, fondateur de l’Université Interdisciplinaire de Paris) essaie de donner la parole aux scientifiques actuels qui mettent en question les dogmes du scientisme réducteur, pour tenter d'intégrer à la science un surplus de sens qui lui manque, en particulier en tentant de réconcilier  la science aux autres domaines de l'esprit, de la spiritualité et de la religion.
Cette intégration ne va pas sans difficulté. La bataille des idées et des visions différentes, fait rage actuellement, surtout dans certains domaines sensibles comme la théorie de l'évolution, où la vision classique, darwinienne, d'une évolution, fruit du hasard des mutations génétiques et de l'adaptation des plus forts à un environnement chaotique, ne satisfait plus un nombre croissant de chercheurs, dévoilant progressivement la complexité évolutive d'une vie trop émerveillante pour n'être que le fruit de la contingence.
Dans une même démarche de recherche des nouveaux paradigmes pour la science, qui lui apporterait un enrichissement de sens, il faut citer Erwin Laszlo et Ken Wilber, auxquels j'ai consacré une place importante dans ce site.

Mais écoutons Jean Staune, quand, dans son livre "Science et quête de sens"paru en 2005, il donne la parole à une pléiade de scientifiques renommés (Bernard d'Espagnat, Paul Davies, Christian de Duve, Trinh Xuan Thuan, William D. Phillips et Charles Townes, etc.) pour montrer que l'hégémonie du scientisme réducteur est battu en bréche actuellement par l'intégration de nouvelles visions porteuses de sens.

"Conformément à la célèbre formule de Galilée : "La religion dit comment on va au ciel, pas comment va le ciel", la modernité a été caractérisée par une sorte de "Yalta" philosophique : la science s'occupe des faits, la religion des valeurs.
Cette position peut paraître extrêmement raisonnable. Elle permet d'éviter la confusion des genres et ses conséquences néfastes comme l'interprétation des textes religieux pouvait amener à condamner certaines théories scientifiques. Elle est défendue par de nombreux penseurs et un scientifique comme J. J. Gould l'a popularisée sous l'acronyme NOMA (Non Overlapping Magisteria – non recouvrement des magistères).
Néanmoins, l'analyse de l'évolution des idées en Occident montre qu'un tel "séparationisme" est de plus en plus difficile à tenir lorsqu'on aborde les questions relatives au sens de notre existence.
Sommes-nous apparus par hasard dans un Univers lui-même dépourvu de signification ? Sommes-nous des "hommes neuronaux" qui n'ont "plus rien à faire de l'esprit" ? Ou notre existence – voire celle de l'Univers tout entier – s'inscrit-elle dans un processus, voire un projet ?
Si d'un côté, la science s'interdit de se poser des questions liées à la signification et à la finalité et que, de l'autre, elle donne une vision mécaniste et réductionniste de l'homme et du monde, il est évident que, dans la pratique, la fameuse "séparation" n'est pas respectée et que la science contribue au désenchantement du monde et à la progression du "non-sens".
Mon premier point est donc que le séparationisme n'est pas tenable ; que, sans aucune confusion des genres, il faut admettre qu'il existe, aux frontières de la science, un domaine où l'intersection de celle-ci avec les religions, la spiritualité, le sens, n'est pas nulle, où des questions philosophiques et métaphysiques doivent être abordées, même si elles dépassent le cadre strict de la science, car elles sont induites par les découvertes scientifiques.
Sous la direction de Jean Staune "Science et quête de sens" éditions Presses de la Renaissance

Ecoutons aussi Anne Dambricourt paléontologue, spécialiste de l'évolution des os du crâne, directrice de recherche au CNRS. Elle a montré une continuité évolutive de 60 millions d'années de ce crâne depuis l'australopithèque jusqu'à l'homo erectus, mettant à mal le dogme darwinien, et posant la nécessité pour le scientifique paléontologue de s'interroger sur le sens de la vie.

"La vision classique de l'hominisation dit que le milieu change, de nouvelles niches sont créées, et la sélection naturelle fait son tri dans les espèces surprises à résister à ces nouvelles conditions. Il est déduit de cela que la persistance des formes est le fruit du plus pur hasard des catastrophes climatiques et qu'en conséquence tout est imprédictible. Mais cette vision ne tient plus si l'on regarde les crânes, qui nous disent au contraire que sur 60 millions d'années, dans certains cas, les formes de primates se succédent toujours dans le le même sens avec un ordre logique : celui d'une contraction croissante de la base du crâne, suivie d'une complexification du cerveau.
N.C. : Le milieu ne joue plus aucun rôle ?
Plus comme le facteur déterminant. Il est évident que la sélection naturelle joue son rôle : des espèces s'éteignent, mais pour ce qui est du passage du singe à l'australopithèque et de l'australopithèqie à l'homme, vous pouvez faire intervenir toutes les mutations génétiques au hasard, toutes les dérives de continent, toutes les crises climatiques que vous voudrez, ces événements indépendants les uns des autres et ajustés au hasard n'expliquent pas la répétition du processus : la base du crâne des primates se contractent imperturbablement en suivant une logique explicite qui autorise des prédictions dans la genèse des formes. De cette logique, il ressort que le passage du singe à l'homme ne s'inscrit pas dans une suite chaotique et imprédictible d'événements génétiques et climatiques survenus au hasard, ainsi qu'on l'affirmait jusqu'à là".
Interview d'Anne Dambricourt paru dans le journal Nouvelles Clés n°12 hiver1997

Cette vision expliquée dans un film à la télévision, sur Arte, en octobre 2005, a créé une polémique avec les milieux scientifiques en place, qui accusent Anne Dambricourt de "créationisme". Vous pouvez avoir un aperçu de cette polémique sur le site de Jean Staune.